SYSTÉMATISMES ET ÉCHAPPÉES | 2016
Systématismes et échappées | 2016 (Exposition collective) | Installation située, parquet historique numérisé, imprimé sur linoléum premier prix et rédéposé à sa place - Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence
- Monsieur ?
- Oui
- Je peux savoir ce que vous faites ?
- Je suis là pour les termites, je fais des relevés.
- Ah, très bien. Désolée de vous avoir dérangé.
- Non non c'est moi, je vous en prie.
* Restanscription de mémoire d'un échange avec la gardienne de la salle d'exposition.
POUR UN CAMBRIOLAGE AMOUREUX | 2016
Pour un cambriolage amoureux | 2016 (Exposition individuelle) | Installation de mon mémoire de recherche - dans le désordre - 103 planches A4 scotchées aux murs - Atelier de Cézanne, Aix-en-Provence
" Braconner un bout d'espace et de temps pour que l'art puisse se faufiler là et là | Il y a non pas une utopie mais une hétérotopie à la Michel Foucault, une pensée qui trace sa grande diagonale derrière tes œuvres et si on n'aperçoit pas cette trame, ce rideau, cette nappe, cette densité d'où elles tirent leur forme alors on n'y comprend rien --- souvent ce n'est pas gênant de ne rien comprendre, hein, parce qu'après tout, l'art c'est aussi fait pour ne pas comprendre --- mais là, il y a d'abord avant les formes (sculptures surtout) autre chose, une vision politique, un regard, une vaste recherche et une expérimentation minutieuse qui frôle de très près l'analyse institutionnelle --- c'est-à-dire que la pensée, la création, c'est pas séparable du politique, du social et toi, tu viens des quartiers Nord de Marseille, c'est important pour toi de rappeler cela --- tu viens pas de la bourgeoisie --- et tu as fait sociologie --- tu auras une compréhension qui implique le bricolage entre amis, cette chose fondamentale que tu es plusieurs et que tu n'es pas seul --- en troisième année, tu étais avec toute une bande et c'était beaucoup des cinquièmes années qui sont donc partis après leur diplôme te laissant toi dans l'école --- ta bande à un moment n'était plus là --- heureusement avec eux, il y a eu partage, expérience et tout ça, c'est des documents et des documents --- et des analyses --- et des réflexions sur la vie dans une école d'art --- et tu t'es posé cette question de la collectivité, du collectif, du commun, de ce qui fait école avec les étudiants, les enseignants, l'administration et tout le tralala --- et de l'espace de l'école qui s'agrandit avec vos rêves, vos désirs, votre imagination quand le bâtiment ancien est encore là, à la place d'un projet avorté de construction d'une nouvelle école vers la Fondation Vasarely --- donc la création vitale est revenue et cette nouvelle école, vous l'avez créée vous malgré tout --- envers et contre tout sans autorisation dans l'ancienne école et ça infusait partout une vie autre une vie vivante dans toutes les articulations de ce grand organisme désorganisé --- et la relation avec tes amis artistes Arina Victor H. Maxime Victor M. est de celle qui déploie complicité complot à la Jacques Rivette c'est-à-dire qu'il faut une certaine clandestinité et un secret pour faire les choses --- comme ça vous ouvrez l'appartement vacant du concierge de l'école --- le suivant n'est pas encore nommé --- et vous vivez l'hétérotopie dans ce lieu secret --- tu racontes tout ça dans le mémoire de ton diplôme --- c'est pas un mémoire mais un voyage insensé et poétique qui s'appelle « un cambriolage amoureux » --- alors tu devras toujours retrouver cette part d'enfance de jeu de hasard
d'interstices qui dérèglent les formes --- pour ton diplôme, tu auras mis de la terre dans toute une pièce pour que le jury joue à la pétanque --- et tu nous fais découvrir l'envers de l'école, l'école interdite de nuit — tout ce qu'il s'y passe, réunions, repas, sommeil, amour, création --- en secret --- et tester cette limite jour après jour --- le gardien nouveau venu sera-t-il complice ou viendra-t-il dénoncer à l'administration --- les écoles d'art ne sont-elles pas faites pour cela --- la création, comment supporte-t-elle un cadre institutionnel alors qu'elle subvertit toute institution et tout cadre --- parce qu'ils aiment beaucoup leurs outils, les artistes-bricoleurs sont des artistes de la multiplicité et de la coupure --- on les trouve toujours avec des petits bouts dispersés ou assemblés --- et c'est jamais en arrêt --- quand tu as travaillé à Castorama au rayon quincaillerie, tu t'es spécialisé en serrurerie, clefs et serrures --- plus de mystères pour ouvrir toutes les portes --- une immense fluidité est lâchée comme le sang rouge qui sort de l'ascenseur du Shining de Kubrick --- tu es en ce sens une sorte d'Arsène Lupin de l'art contemporain --- car tu as braconné un bout d'espace et de temps pour que l'art puisse se faufiler là et là --- et la façon dont tu scannes les murs pour en faire des impressions ou de la vidéo, c'est bien-sûr un geste de peinture où tu es là encore comme une figure emblématique, une sorte de Hans Richter de la vidéo du coup mais c'est plutôt comme un cambrioleur qui a besoin d'épier dans la matière le moindre creux derrière le mur afin de repérer où se trouve le butin --- et toi, ton butin n'est pas derrière le mur (aucun vol de ta part), il est dans le processus lui-même et dans les infimes vibrations --- mouvement unilatéral infini qui observe et enregistre l'incertain --- scruté comme un désert sans vent --- dîtes-moi, Matthieu m'aurait-il vidéographié la tête, l'histoire ? --- une ligne ou une chaîne ininterrompue comme ces colliers, immenses assemblages de bouts de fragments industriels, une espèce de paléontologie avec des matériaux de chantier --- et l'espèce d'audace à être à la fois dedans et dehors l'institution --- cette navette qui coud dans un sens puis dans l'autre et cet enfant qui change tout le temps les règles du jeu alors il s'assure des règles et les dérange."
Paul-Emmanuel Odin - Docteur et enseignant à l'école supérieure d'art d'Aix-en-Provence, extrait du catalogue Nouveaux Regards 2016
Pour un cambriolage amoureux | 2016 Scanographie mobile, fenêtres de l'école, de nuit. (21,7x788,5cm) ESAAIX
Pour un cambriolage amoureux | 2016 Tableau des clés de l'école et scanographie du pass / Image d'archive (Une collecte) par Arina Essipowitsch / Installation (chaussures et scotch de peintre) pour divertir le gardien, ESAAIX
TENEIS LA PIEL SUAVE (VOUS AVEZ LA PEAU DOUCE) | 2017
Teneis la piel suave (Vous avez la peau douce) | 2017 (Présentation publique performée) | LA IRA DE DIOS, Buenos Aires // Utilisation de rubans adhésifs bleus découpés en forme de masque et faisant office de connecteurs sociaux. Numérisation in situ des visages des personnes présentes et échanges personnels lors de la réalisation des gestes. Les participants furent invités à revenir en fin de résidence afin de visionner l’image produite lors d’une projection scanoscopique intimiste et non-publique.
Teneis la piel suave (Vous avez la peau douce) | 2017 (Présentation publique performée) Scanographie mobile (21,7x271,77cm)| LA IRA DE DIOS, Buenos Aires
Résidence internationale | 2017 - LA IRA DE DIOS, Buenos Aires
LA RÉALITÉ / BIENNALE DE PERFORMANCE DE BUENOS AIRES | 2017
La Réalité / Biennale de perfomance de Buenos Aires | 2017 (Présentation publique performée) | BP17 ANTI-HOMMAGE DADÀ, 101 ANS DU CABARET VOLTAIRE, Centro cultural Recoleta, Buenos Aires // Invitation du collectif La Réalité pour participer à une fausse émission de reality-show, tournée sur un faux plateau télé, au milieu de la biennale de performance. Diffusion en live sur la chaîne TV de la biennale
LES VISITEURS DU SOIR / CRASH-TEST | 2017
Les Visiteurs du soir / Crash-test | 2017 (Présentation publique performée) | Galerie Eva Vautier, Nice // Présentation publique performée, numérisation de mon véhicule personnel et recouvrement de ce dernier. Le véhicule fut conduit en l'état durant deux mois.
Les Visiteurs du soir / Crash-test | 2017 (Présentation publique performée) | Galerie Eva Vautier, Nice // Moment de numérisation, matrice de recouvrement, vue de détail et geste de gratitude.
F(EUX) - ÉTINCELLES, PLEINS FEUX, BRAISES | 2018
F(EUX) - Étincelles, pleins feux, braises | 2018 Exposition individuelle - Carte blanche proposée par Mécènes du Sud - Commissariat Bénédicte Chevallier - Studio Little Dancer, Marseille // Invitation de Thomas Molles, Natacha Jouot, Trécy Afonso, Jean-Paul Bertéa, Claire Camous, Gérard Cadene, Amandine Simonnet et Estelle Aubin
Matthieu Bertéa observe la question des limites en aménageant une hétérotopie comme condition d’apparition de son travail. Il n’y a pas « d’à côté » à la représentation, pas de marge, pas de off, pas de coulisses. Tout est là. Pour de vrai et entier. On pense que ça va commencer mais ça a déjà commencé et on fait déjà partie de la matrice. Matthieu Bertéa y fait feu de tout bois. Dans ce système, il se situe artistiquement par son intransigeance, parce qu’il ne concède pas que quelque chose se dérobe. Tout est alors matière. Il n’y a pourtant aucun rapport de force, aucun piège, juste une conscience tendue, à portée de main. Au bout de cette main justement, il manipule un scanner embarqué. Des yeux dans la main. Il absorbe du réel, par des gestes directs. Ce travail d’empreinte fait suite à sa pratique de peinture. Avec sa radicalité, il a logiquement troqué ses rouleaux à peindre pour un outil médium, voire médiumnique. Ce travail de glisse, sous la forme d’un prélèvement par un rai de lumière, s’apparente à une dérive sans destination. Le glanage n’a pas de limites puisque le butin, numérique, relève d’un braconnage habile qui ne lèse aucun propriétaire. Ainsi désamorce-t-il et déjoue-t-il interdits et obstacles, accumulant, cataloguant, et expérimentant images, gestes et situations. Cette liberté de circuler, d’observer, de prélever, Matthieu Bertéa ne saurait se l’approprier sans compromettre sa conscience artistique. En tant que fils unique, il compte depuis toujours avec les autres. Eux, justement. (Eux), dans cette dynamique, ce sont le couple de mécènes qui l’invite, les artistes complices depuis l’école d’art, la famille, les amis, ceux qui dans ce mouvement ont une place, prennent une place, tiennent une place. Cette communauté ne forme pas une solution miscible, qui par une dynamique, viendrait épaissir son travail. Il s’agit plutôt de biotopes compatibles qui se complexifient en se nourrissant mutuellement. Sans le « leadership discret » de Matthieu Bertéa, ce qui s’apparente à un syncrétisme ne serait pas. Ses affinités avec le foot en sus. Vous entrez dans le travail de Matthieu Bertéa par le foyer. Celui qui fait feu, celui qui fait famille et celui qui fait converger autant que rayonner la lumière.
Bénédicte Chevallier, directrice de Mécènes de Sud, TGV 7822 du 31 juillet 2018
VAGAR | 2018
VAGAR | 2018 - Résidence itinérante entre Ushuaïa, Mendoza, Cordoba, Rosario et Buenos Aires // Résidence faisant partie de la Biennale de l'Image en Mouvement de Buenos Aires et dont la restutition fut une exposition personnelle dans la galerie de l'AF Buenos Aires // Projet sur invitation de l'Alliance et de l'Institut français d'Argentine, commissariat de Caroline Coll.
Le projet Vagar, traduction espagnole de mon projet artistique Vaguer, s’est déroulé en 2018 dans le cadre d’une résidence itinérante sur invitation de la directrice culturelle de l’Alliance Française et de l’Institut Français d’Argentine. Cette résidence m’a offert l’opportunité de parcourir l’Argentine en choisissant moi-même les étapes de mon voyage, avec pour point culminant une exposition personnelle à la galerie de l’Alliance Française de Buenos Aires, dans le cadre de la Biennale de l’Image en Mouvement. J’ai sélectionné cinq villes : Ushuaïa, Mendoza, Córdoba, Rosario et Buenos Aires. Chaque étape représentait une immersion d’environ dix jours, tandis qu’un mois complet était consacré à la capitale. À chaque escale, j’étais accueilli chez des professeurs de français, des membres des Alliances Françaises ou des directeurs d’instituts français, dans une logique d’échange et de partage. Armé de mon scanner portable, d’un ordinateur portable, d'un sac à dos et d’un esprit ouvert à toute forme d'interactions, j’ai traversé le pays pendant trois mois. Cette résidence m’a permis de produire une matière visuelle inédite, fruit de rencontres spontanées avec des éléments et des passants. Ce projet a été autant une expérience humaine qu’artistique, nourrie par la richesse des échanges, des paysages et des récits. En parallèle, chaque ville accueillait des conférences et ateliers, que j’animais auprès de lycéens ou d’étudiants en école d’art. Ces interventions étaient des moments privilégiés pour présenter mon parcours, initier des réflexions sur l’image en mouvement, et inviter les participants à expérimenter eux-mêmes la création avec un scanner portable. L’aboutissement de cette résidence a pris la forme d’une exposition personnelle à la galerie de l’Alliance Française de Buenos Aires, où j’ai présenté les œuvres réalisées durant ce voyage. Cette exposition s’inscrivait dans le programme officiel de la Biennale de l’Image en Mouvement de Buenos Aires, marquant un moment clé de mon parcours artistique.
VAGAR | 2018 - Rencontre avec un cheval sauvage, Ruta della Estancia Túnel, Ushuaïa/ Image d'archive et scanographie mobile (21,7x59,7cm)
VAGAR | 2018 - Ruta della Estancia Túnel, Ushuaïa / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x246,3cm)
VAGAR | 2018 - Herbes hautes proches du Rio Lapataia, Ushuaïa / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x315,18cm)
VAGAR | 2018 - Arbre centenaire brûlé par la foudre, Ushuaïa / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x64,2cm)
VAGAR | 2018 - Dernier morceau de terre avant le canal de Beagle, Ushuaïa / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Mur et sol de la prison abandonnée d'Ushuaïa / Image d'archive et scanographies mobiles (21,7x100,3cm) et (21,7x328,9cm)
VAGAR | 2018 - Corde d'amarrage et carcasse métallique d'un narive de guerre hors d'usage, port militaire d'Ushuaïa / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x131,1cm)
VAGAR | 2018 - Dunas de los altos limpios - Reserva Natural Telteca, Province de Mendoza / Image d'archive et scanographie mobile (21,7x518,2cm)
VAGAR | 2018 - Bordure d'un bassin peint en bleu - El Encón, Province de Mendoza / Scanographie mobile (21,7x67,6cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale extérieure d'une maison de village - El Encón, Province de Mendoza / Scanographie mobile (21,7x88,4cm)
VAGAR | 2018 - Ateliers publics et rencontres avec des lycéens de la vallée de Cuyo, Province de Mendoza
VAGAR | 2018 - Rencontre avec des ouvriers agricoles boliviens dans la vallée de Uco, Province de Mendoza / Lame d'une machine à labourer le sol / Scanographie mobile (21,7x91,1cm)
VAGAR | 2018 - Éraflures à l'entrée d'un parking pour voiture, Centre ville de Mendoza / Scanographie mobile (21,7x53,1cm)
VAGAR | 2018 - Décoration murale sur une bâtisse abandonnée, Banlieue de Mendoza / Scanographie mobile (21,7x58,4cm)
VAGAR | 2018 - Peinture au sol, Banlieue de Mendoza / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Images d'archives, Cordoba et Alta Gracia
VAGAR | 2018 - Variation sur le carrelage du centre culturel d'Espagne de Cordoba / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Les œuvres sociales fournissent des prestations de santé à toutes les personnes cotisants au système national d'assurance maladie, Ville de Cordoba / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Traces de mains sur un mur, Ville de Cordoba / Scanographie mobile (21,7x74,7cm)
VAGAR | 2018 - Dossier d'un banc public carrelé, Banlieue de Cordoba / Scanographie mobile (21,7x78,2cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale (Nous sommes ici et maintenant), Banlieue de Cordoba / Scanographie mobile (21,7x88,8cm)
VAGAR | 2018 - Carrelage de la salle de bain d'Ernesto Guevara dit Che, Alta Gracia / Scanographie mobile (21,7x37,6cm)
VAGAR | 2018 - Images d'archives, Rosario
VAGAR | 2018 - Impacts de balles sur un mur d'enceinte, Banlieue de Rosario / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale (Vive la révolte) sur le palais de justice de la ville, Rosario / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale sur le local d'un club de football amateur, Banlieue de Rosario / Scanographie mobile (21,7x112,6cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale (Foi dans le chaos), Banlieue de Rosario / Scanographie mobile (21,7x94,3cm)
VAGAR | 2018 - Blanc de meudon passé grossièrement sur une vitrine de magasin, Rosario / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Peinture sur grille de magasin (Si grand), Rosario / Scanographie mobile (21,7x92,3cm)
VAGAR | 2018 - Peinture murale (Il est temps), Rosario / Scanographie mobile (21,7x57,4cm)
VAGAR | 2018 - Tronc d'arbre, Rosario / Scanographie mobile (21,7x60,6cm)
VAGAR | 2018 - Dossier d'un banc public, Rosario / Scanographie mobile (21,7x110,2cm)
VAGAR | 2018 - (Rosario dans la paume de ta main), Rosario / Scanographie mobile (21,7x61,7cm)
VAGAR | 2018 - Lumières de la ville de nuit, Rosario / Scanographie mobile (21,7x133cm)
VAGAR | 2018 - Exposition personnelle / Biennale de l'Image en Mouvement 2018 - Galerie principale de l'Alliance française de Buenos Aires
FA1000IA | 2019
FA1000IA | 2019 - Expostion personnelle, Printemps de l'Art Contemporain - Chez le 33 à Marseille.
FA1000IA | 2019 - DE CERCA (DE PRÈS) - 2019 / Capture d’écran vidéo et scanographies mobiles (21,7x133cm x3) / Impressions couleur sur papier fine art contrecollées sur alu dibond et encadrées sous caisse américaine noire / Œuvres produites sur l’œuvre de l’artiste argentin Julio le Parc. Geste réalisé, au cours d’une visite d’exposition à Cordoba, lors d’une résidence artistique en Argentine avec l’Institut français, en 2018. L’artiste argentin fut informé, a-posteriori et par e-mail, du geste réalisé et du caractère «collaboratif» de l’œuvre produite.
FA1000IA | 2019 - DE LEJO (DE LOIN) - 2019 / Capture d’écran vidéo et scanographies mobiles (21,7x133cm x5) / Impressions couleur sur papier fine art contrecollées sur alu dibond et encadrées sous caisse américaine noire / Œuvres produites sur l’œuvre de l’artiste argentin Julio le Parc. Geste réalisé, au cours d’une visite d’exposition à Cordoba, lors d’une résidence artistique en Argentine avec l’Institut français, en 2018. L’artiste argentin fut informé, a-posteriori et par e-mail, du geste réalisé et du caractère «collaboratif» de l’œuvre produite.
- Tu veux aller voir le parc ? Et mon espagnol me fait entendre qu'elle desire qu'on aille au parc. Je lui répond que oui et apres quelques minutes de marche nous arrivons au pied un grand immeuble avec écrit Naranja dessus. J'y vois l'affiche d'une exposition et comprends que le Parc était en fait un artiste, Julio de son prénom. Comme souvent en entrant, les gardiens d'exposition me suivent comme des mouches car la vue du scanner dans la paume de ma main excite a coup sûr leur inquiétude. J'entame alors mon ballet habituel, entre jeu de cache-cache et visite d'exposition. J'y apprend que l'artiste cofonde dans les années 60 le Groupe de Recherche d'Art Visuel (GRAV) avec Morellet, Rossi, Sobrino, Yvaral et Stein et que durant cette période ils avaient a plusieurs reprises expérimenté des oeuvres pouvant être touchées ou manipulées par les visiteurs. Il ne m'en faut pas plus pour mettre en pratique mon numéro special : celui de numériser des choses au milieu d'une salle d'exposition et notamment les messages stipulants de ne pas toucher les oeuvres. Et force est de constater que c'est aussi efficace que du papier tue-mouches. Après quelques minutes je me met a quatre pattes au milieu de la grande salle et je sens déjà tous les regards se tourner vers moi. Des gardiens de salle aux visiteurs présents, en passant par la personne chargée de la médiation culturelle. L'atmosphère s'allourdi et procure à l'ensemble des protagonistes une tension presque palpable. Plus personne ne regarde les oeuvres durant quelques secondes. J'allume mon scanner et commence a le positionner sur le sol à l'endroit du message. "Por favor no tocar" (s'il vous plaît, ne pas toucher) imprimé sur du plastique adhésif blanc. Les gardiens se regardent et un d'entre eux décide de venir à moi. Il accèlère le pas au plus j'avance sur le lettrage et en arrivant à ma hauteur me signale en espagnol que je n'ai pas le droit de toucher. Je termine mon geste et souris en lui demandant avec certainement quelques approximations linguistiques si je n'ai pas le droit de toucher les oeuvres ? Ou si je n'ai pas le droit de toucher le message qui dit que je ne peux pas toucher les oeuvres ? Je joue à qui est le plus bête et cela fonctionne. Au final ils me demandent de sortir, ce que je fais sans résister. Ils pensent avoir fait leur travail sans se douter que quelques minutes auparavent je scannais de long en large une oeuvre, bien réelle pour le coup, dans une petite salle isolée et démunie de caméra de surveillance. Une oeuvre intitulée "Cellule avec projection en vibration", datant de 1968, et étant un dispositif lumineux immersif. Une belle rencontre.
FA1000IA | 2019 - (S'il vous plaît, ne touchez pas) - 2019 / Scanographie mobile (21,7 x33cm)
FA1000IA | 2019 - JULILUJIOULIJIULOIJOI - 2019 / Scanographie mobile (21,7 x133cm)
FA1000IA | 2019 - Vue d'exposition.
DES ESPACES AUTRES | 2019
DES ESPACES AUTRES | 2019 - Expostion personnelle, invitation et commissariat de Rosanna Tardif - Galerie Artsphalte, Arles.
Le cambriolage amoureux | Le travail de Matthieu Bertea brouille les limites des connaissances à propos de certains médiums et anime une réflexion sur le rapport que nous entretenons avec la notion d’espace. L’espace public, privé, collectif ou individuel, infiniment grand ou petit est traversé, habité et manipulé par le regard amoureux d’une ombre féline, par le geste délicat d’un cambrioleur habillé de noir.
Espace et frontières | Ce qu’il y a de fascinant avec les mots, c’est qu’ils remettent souvent en doute les définitions qu’on a d’eux. Ainsi, si nous prenons le mot « espace », n’imagine-t-on pas de prime abord, une étendue, quelle qu’elle soit, toujours limitée ? Et pourtant, on sait que ce mot signifie tout autant un lieu indéfini ou infini, à l’image de l’univers et du vide. L’artiste Matthieu Bertea ne fait pas de dichotomie. Il peut dès lors, toucher, arranger, emprunter, transporter, remanier, et étirer l’espace. Sa démarche questionne la pertinence de l’existence d’une frontière puisqu’il joue avec ses contours.
Beaucoup d’artistes orientent leurs travaux autour du thème de frontière pour des raisons en général, sociales ou politiques. Mais la frontière apparaît plutôt comme une ennemie à laquelle il faut se heurter alors que Matthieu Bertea semble faire d’elle une alliée, une compagne de jeu. Qui par exemple, ne suffoquerait pas à la simple évocation d’un labyrinthe ? Or ce qu’il y a de déroutant, c’est qu’on imagine bien l’artiste en question se saisir des lignes de ce piège afin de les déplacer, de les agrandir, les arrondir, les trouer ou les peindre en bleu. Bref, en faire ce que bon lui semble, à l’égard de ces lieux interdits d’accès dans lesquels il pénètre. Les formes, leurs contours et leurs matières se retrouvent à l’image d’une pâte à modeler entre les doigts d’un enfant. Comme lorsqu’il transporte du sable pour lui changer son rôle initial et qu’il le dépose dans une salle de classe pour la transformer en Terrain de pétanque. D’une part, le sable a été déplacé de son lieu d’origine et d’autre part, le montage de l’œuvre a demandé un travail collectif, transformant certains de ses amis artistes en ouvriers de chantiers et en joueurs. À la fois unique et multiple, la notion de frontière s’applique aussi à l’individu et, non pas à son identité, mais à ses identités. Ce qui explique sans doute les références de l’artiste à l’auteur portugais Fernando Pessoa, comme avec l’œuvre Eau et Gaz : « Il traverse tous les mystères et n’en connait cependant aucun, car il en connait l’illusion et la loi. Il ne prend plusieurs formes que pour se nier lui-même en elles et par elles, car comme son passage ne laisse aucune piste en ligne droite, il peut cesser d’être ce qu’il a été puisqu’il ne l’a pas véritablement été. Il quitte le serpent de l’Éden comme une mue, il quitte Saturne et Satan comme une mue, toutes les formes qu’il prend ne sont qu’une mue.[1] » Dès lors et bien que d’une finesse inouïe par sa simplicité, l’œuvre de Matthieu Bertea semble somme toute, indiquer que tout est possible. L’horizon, par exemple, bien qu’inatteignable, se penche avec “ Là ”. Il pivote comme dans un rêve et une forme rectangulaire et noire se dresse droite au centre de l’image. Elle évoque une mystérieuse porte qui se balade de paysage en paysage, lesquels sont résolument obliques. Filmer et photographier, rien dans “ là ” n’est anxiogène. Le noir et blanc et le graphisme des scènes évoquent un calme à l’image des “Marines” de Sugimoto Hiroshi. Mais est-ce réellement le paysage ou nous, qui sommes de travers ? “Là” illustre une autre façon de regarder l’espace qui nous entoure.
Vaguer | Tracés d’ondes sonores rythmés par la ville ou par un battement de cœur ; tracés d’un houlographe à l’image d’une vague et régis par les lois de pression, de rugosité et de surface, ou tracés de sismographe, machine ô combien romantique, capable de mesurer les accélérations des mouvements de la Terre ? Les lignes fluides ou les étirements de matière de la série “ vaguer ” sont autonomes et libèrent une énergie continue. Elles contrôlent le format de l’image afin de mieux satisfaire leurs besoins d’étendues. Elles circulent librement et forment des entrelacs à l’intérieur d’un fond sombre qu’elles dominent. Leurs couleurs, alternent le flou et le net, vibrent et exigent la contemplation. La douceur du rendu exprime à la fois le geste qui fut lent et celui qui renferme une expérience maîtrisée. Une espèce
de dualité est donc à relever ici, car les formes se déplacent et se confrontent. Elles seraient devenues comme l’eau capable de se faufiler par un chemin et capable de s’échapper d’un espace réprimant. Pourtant, la pratique résulte d’une manipulation contrôlée. Et c’est un peu comme un nom au bout de la langue qui ne vient pas, on reconnaît sans reconnaître l’image que l’on a en face de soi, parce que les formes qui sont habituellement délimitées sont ici, autres. À l’aide d’un scanneur portatif, Matthieu Bertea prélève des échantillons d’objets prédéfinis, comme du mobilier urbain, des voitures, un grillage, du bitume, etc. Les images peuvent parfois être agencées entre elles afin de former un nouvel espace et elles sont tirées sur du papier ou des bâches donnant cet aspect de longueur. Outre l’idée selon laquelle, Matthieu Bertea conditionne un volume à une image plane, tout en étirant la matière même de l’objet, le scanneur oblige l’opérateur à toucher, à renouer avec le geste et à se saisir d’un détail. Lorsque dans son essai, Peinture. Photographie. Film.[2], de 1925, László Moholy-Nagy rapprochait l’appareil photographique du télescope et des radiographies, il réalisait un éloge de tout appareil de reproduction. Et il serait intéressant de comparer ces deux frères que sont la photographie et le scanneur, nés des recherches autour de la lumière, au prisme du numérique et des nouvelles technologies. À l’heure de Photoshop, le débat autour de la photographie s’épuise au point de ressortir encore et encore les mêmes questions ancestrales. En effet, bien qu’aujourd’hui on parle de « post-photographie », l’image a toujours été susceptible d’être trafiquée. Soit en étant mise en scène soit en subissant des retouches directement sur le verre, le film et aujourd’hui... sur l’écran. D’où le fait que le débat autour de la post-photographie ne donne à mon sens, rien de nouveau. En revanche, le scanneur reste le grand absent des réflexions critiques et cela sans doute en raison de la rareté de son utilisation à des fins artistiques. Mais la pratique de Matthieu Bertea permettrait d’apporter des angles innovateurs, car cette fois, l’outil contraint l’artiste à se trouver sur le lieu et à s’approcher jusqu’à toucher son sujet. Voici donc un appareil de reproduction qui ne tolère pas la prise de distance et oblige l’opérateur à engager son corps dans l’espace. Or plus qu’un engagement, le geste de l’opérateur est obligé d’épouser la forme de l’objet à scanner. La main glisse et le corps se courbe tel un skateur qui tient au bout de ses pieds, l’électricité de la ville. Un sport qui, on le rappelle, est né de surfeurs qui ne se sont pas laissés assujettir par le temps. D’ailleurs, ils ont fini par ne plus se satisfaire de l’asphalte non plus, et ont glissé sur du mobilier urbain ou sont entrés dans des propriétés privées afin de toujours mieux défier les lois de la pesanteur. Du reste et contrairement aux autres arts urbains, Matthieu Bertea n’ajoute pas de la matière à la ville comme les graffeurs. Il prélève une image de l’objet et transporte celle-ci dans un ailleurs, tel un cambrioleur.
Mes courbes ne sont pas folles (H. Matisse) | Le rendu du scanneur pourrait également flirter avec des théories plus lointaines et d’origine plus manuelle qu’automatique. La simplification des formes et le tirage prenant l’apparence décorative d’un tissu, ne restent pas sans faire appel à l’art d’Henri Matisse qui, bloqué dans son lit et malgré sa cécité, créa des découpages de papiers colorés. Les ciseaux ont remplacé les pinceaux. S’agit-il donc simplement de changer de médium pour toujours repousser les limites de l’art ? Si on évoque cette anecdote aux allures de légende, c’est parce que les œuvres de Matthieu Bertea modèlent les espaces et offrent un point de vue différent sur le monde. Un regard plus simple et plus poétique. Matthieu Bertea, donne une existence physique à des lieux imaginaires : il crée des lieux hétérotopiques. Mais son flegme naïf est déconcertant tant il nous renvoie à notre perception si biaisée, si petite, des mouvements et de l’espace. Ne reste plus qu’à surmonter les pensées sclérosées et à imaginer un temps qui pourrait se voler et se suspendre.
Rosanna Tardif, critique et historienne de la photographie contemporaine, ARTSPHALTE 2017
EDITION EN COURS